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Nathalie Amigues

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Une priorité : la coordination

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Restitution de l'entretien du 3 juillet 2018

Quel est l’intitulé de votre métier ?

 

Gestionnaire d’aide à domicile, directrice d’une entreprise privée d’aide à domicile auprès de personnes âgées et personnes âgées dépendantes, depuis bientôt 8 ans, avant j’ai étais juriste, aide à domicile à 37 ans, j’avais travaillé dans le monde la porcelaine, aucune expérience si ce n’est que mes parents sont médecins, on voulait travailler avec mon mari, moi je voulais travailler auprès de personnes, pas forcément de personnes âgées, le handicap ne m’intéressait pas, on en a fait un peu, mais c’est un autre monde, je vais à domicile, je connais tous mes bénéficiaires.

Nos missions c’est vraiment autour de la personne et de sa perte d’autonomie. On dépend du conseil départemental

On fait l’aide à l’entretien, mais je le limite énormément. C’est vraiment l’aide à l’entretien autour de la personne âgée en voie de dépendance. On a sur une quarantaine de bénéficiaires des gens très âgés, en moyenne de 85 ans à 95 ans. En résumé, je ne suis pas une société de ménage.

On ne fait pas de soin, on fait tout autour de la personne. L’aide à domicile est souvent présentée sur les activités de la vie quotidienne, de la promenade au ménage. Et sur les actes essentiels de la vie, la nourriture, les aides aux courses, on peut alimenter aussi la personne, parce que si on ne mange pas, on meurt. Nous ne faisons qu’une aide à la toilette et à la prise de médicaments.

Jusqu’à la fin de vie.

Il y a plein de choses qu’on ne peut pas faire. Plus c’est règlementé mieux c’est. Il y a beaucoup de laisser-aller. Les auxiliaires non formées commencent à tout faire. Quand on suit le régime d’autorisation, la loi l’encadre très strictement.

Nous c’est faire tout ce qu’un soignant ne va pas faire. C’est-à-dire être auprès de la personne. On nous avait appelés les sentinelles, c’était un terme que j’avais du mal à comprendre à l’époque, mais c’est exactement ça. Une auxiliaire de vie, elle ne va pas voir que le monsieur va faire un AVC dans 10 minutes. Mais bien souvent, elle va pressentir qu’il y a quelque chose qui est en train de se passer. Nous on reste au moins une heure à chaque fois. Et les gens se confient à nous, beaucoup plus qu’aux autres.

La personne âgée a souvent la volonté de vouloir « porter beau » devant son médecin. Nous comme on sait tout, il arrive bien souvent qu’on appelle les enfants ou le médecin traitant directement ou les infirmiers pour expliquer ce qu’on a vu.

 

L’image que j’avais de ce métier correspondait à la réalité il y sept ans et demi, plus du tout aujourd’hui.

 À mon niveau je sens un gros changement à Bordeaux. Tout devient extrêmement compliqué. Il n’y a toujours que très peu de coordination à domicile entre intervenants. C’est là où c’est problématique. Bien souvent les médecins traitants, appart quelques-uns, rares, soit ne viennent plus à domicile, soit n’apprécient pas qu’on les dérange pour parler des personnes âgées à domicile. Les cabinets infirmiers, à part certains, prennent de plus en plus, l’aide à domicile comme des bonnes. Un infirmier libéral dans nettoyer son cadre d’intervention, c’est dans la loi, il ne le fait que rarement. C’est à nous de nettoyer, c’est récurrent, c’est pénible. Les kinés, je préfère ne pas en parler.

 

C’est lié à la manne d’argent qu’est la PA et le non-respect de la PA dans son maintien d’autonomie. La sécurité sociale rembourse le passage infirmier, le passage kiné et le passage orthophonie. C’est très bien que la famille demande tous ces passages là, ça fait du passage et la personne ne paye pas. Concernant l’APA, les fonds sont très réduits. En sept ans et demi, j’ai vu des plans refusés alors qu’une personne aveugle, je ne vois pas trop comment elle peut aller faire ses courses toute seule. Les choses ont beaucoup changé. Il y a peu d’argent. On parle du crédit d’impôt, qui n’est pas simple à mettre en place. Les familles sont de plus en plus compliquées. Quand j’en parle aux évaluateurs APA, ils me le disent aussi.

 

On va vivre pour la première fois dans notre société avec 4 générations. À Bordeaux par exemple, l’immobilier a flambé donc bien des descendants attendent les héritages. Les petits-enfants vivent souvent sur le dos des grands-parents, ou des arrières grands-parents. Depuis deux à trois ans, j’ai une augmentation des alertes pour abus de faiblesse, c’est aussi une réalité de terrain. Beaucoup de choses ont été faites au niveau des pouvoirs publics, et je tiens vraiment à les féliciter parce que ce n’était pas quand on a ouvert il y a sept ans et demi, il n’y avait rien. On a créé la plateforme d’autonomie des seniors sur Bordeaux et dans les autres villes. C’est un grand centre qui a perfectionné le CLIC, ou la MAIA intervient également. Moi j’ai un énorme problème d’abus de faiblesse, aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’alerter le procureur. J’appelle la plateforme, je leur fais un mail récapitulatif, avec tous les éléments que j’ai. Il faut que ce soit très décrit, numéro et nom du médecin traitant, s’il y a des infirmiers en place, en quoi j’ai des suspicions, est-ce que mes suspicions sont fondées et là généralement, moi de travailler et la plateforme reprend, et fait une enquête sociale et sanitaire. Ça, c’est vraiment très très bien. Les assistantes sociales qui y sont ont de vrais pouvoirs, ça permet aussi de mettre en place des tutelles d’urgences beaucoup plus rapidement. Parce qu’une tutelle, actuellement sur Bordeaux, on est attente pendant six à huit mois. Une tutelle d’urgence par la plateforme, en quelques semaines c’est fait.

 

Parce que j’ai été la première prestataire à Bordeaux à être formée, j’ai fait la formation PAERPA, qu’est quelque chose de super. Une formation passionnante, moi je crois à PAERPA énormément, je pense que c’est quelque chose qui est essentiel dans les années à venir, mais le gros problème de PAERPA, c’est que ça ne pourra vraiment marcher, que si tous les professionnels jouent le jeu. C’est du temps, la formation se fait en 48 heures,  ce n’est pas compliqué. Après il y a les boîtiers PACO, tout ça se met en place. Le problème c’est de savoir si les infirmiers voudront jouer le jeu de PAERPA, est-ce que les kinés voudront jouer le jeu de PAERPA et est-ce que les médecins traitants voudront jouer le jeu de PAERPA ? Moi je trouve que ça devrait être une obligation légale, un médecin traitant qui ne répond pas à PAERPA alors qu’il a des PA, bah il ne devrait pas être payé.

J’ai quand même de plus, ça c’est une évolution, à Bordeaux on a cette chance, les PA ont en moyenne tous un neurologue. Je ne parle pas des gériatres, le gériatre c’est bien, c’est vrai qu’il n’y en a pas assez, c’est vrai que les personnes préfèrent leur médecin traitant avant de voir un gériatre. Mais aujourd’hui, on s’oriente vers la neurologie, peut-être créer une passerelle entre les vrais neurologues gériatriques. Une personne qui est atteinte de troubles de la mémoire , troubles cognitifs… doit avoir un bilan avec un neurologue. Et non pas avec qu’un médecin traitant. Ce n’est pas le médecin traitant qui va poser le diagnostic d’une démence. Ça appartient au neurologue. Ça, c’est très important parce que bien souvent j’ai des familles qui m’appellent en me disant : “Maman est Alzheimer.” C’est un terme à la mode, bien évidemment à 95 ans, ça ressemble plus à de la démence sénile qu’à Alzheimer. Et quand je leur dis, vous avez un neurologue ? On me dit toujours, non. Alors comment le médecin traitant a pu aller dire que c’était une maladie Alzheimer ? Il n’y a que le neurologue qui peut faire ça, et qui peut dire ça. Donc c’est pour ça que j’aime beaucoup orienter les familles vers la neurologie. Il y a des médecins traitants qui pensent qu’ils sont médecins de famille depuis 20 ou 30 ans, qui pensent qu’ils sont mieux que tout ça, que tout ça, c’est du flan et que ce n’est pas intéressant. Bah c’est faux. Je vais vous dire pourquoi c’est faux, parce que sur le terrain, quand vous avez eu un scanner cérébral, quand vous voyez qu’une personne met en place des troubles qui peuvent devenir violents, si vous savez que ces troubles là sont apparentés sur le devant du front, ça s’appelle les troubles frontaux temporaux. Les troubles frontaux temporaux, à domicile, ce n’est pas la fête. Et quand une auxiliaire sait qu’elle a à faire à une personne avec un trouble frontal temporal, elle ne va pas agir de la même façon que sur une démence classique. C’est pour ça que ce n’est pas du flan! C’est pour ça qu’il y a beaucoup de démences qui existent et c’est pour ça que c’est bien de savoir ce qu’on va faire chez quelqu’un. Une maladie Alzheimer ne s’encadre pas comme une démence sénile. J’ai du mal à le faire entendre aux familles.

Les ordonnances envoyées par les copains médecins sans auscultation et sans examen clinique, c’est un fléau pour les PA. Je pense qu’il faudrait des contrôles au niveau des médecins traitants. Qu’on leur explique que gagner leur vie c’est bien, faire du chiffre c’est bien, mais qu’à un moment donné, il y a une responsabilité professionnelle. La PA fait peur, la PA n’est pas connue, la PA c’est quelque chose qui souvent est considéré même par des médecins traitants, comme quelque chose de sale. L’incontinence, ça ne sent pas bon! Et aller tripoter les pieds pour voir si c’est vascularisé, ce n’est pas génial.

 

Une journée type ?

 

Moi je n’ai jamais de journée type. Ça c’est bien, je ne m’ennuie pas. C’est-à-dire que je peux avoir des moments à l’agence, planifiés, mais je ne fonctionne pas comme en EHPAD avec une to do list. On peut avoir des urgences, des arrêts maladie, des personnes qui d’un seul coup vont moins bien, il faut augmenter les heures, même sur deux ou trois jours donc c’est à nous de le faire, c’est à nous de planifier. Les familles, les médecins ou eux nous demandent. Certains ont des tueurs aussi. Le but aujourd’hui c’est que quand une personne ne va pas très bien, mais qu’il n’y a pas de raison d’hospitalisation, c’est de lui éviter l'hôpital ou les urgences.

Les urgences sont dramatiques pour une personne âgée en ce moment. Donc, travailler à ce moment-là en coordination avec les médecins. On a de très bons résultats.

 

La prise en charge peut venir de vous ?

 

Moi j’alerte. Les auxiliaires vont m'appeler en me disant “ça ne va pas du tout, elle est déshydratée”. Je m’arrange toujours pour qu’une personne en voie de dépendance ait toujours un cabinet libéral en place, on les appelle, ils passent. Eux ils appellent le médecin traitant. Le médecin traitant dit “oui effectivement, il faut faire ça et ça.” Donc là on se met en contact avec la famille. En fait là, le rouage se fait. Si on enclenche la coordination, on gagne. Si on n’arrive pas à la mettre en place, ça se passe toujours mal. (17’26) C’est bien quand on a son réseau, ça va beaucoup plus vite.

 

Votre meilleur souvenir au travail ?

 

Une histoire drôle. Parce qu’il n’y a pas toujours d’histoire drôle dans ce métier. Une drôle qui nous a marqué parce que je pourrais écrire un livre. J’avais une personne âgée, un ancien grand médecin de Bordeaux, une dame, pas facile, extrêmement dégradée cognitivement, grosse démence sénile. Et on devait, sur demande de la famille, l’accompagner à la messe à Caudéran. J’avais une auxiliaire qui l’accompagner à la messe et au moment où le prêtre fait son prêche et dit « Prions ensemble mes frères, Jésus est ressuscité. ». Elle s’est levée de son fauteuil roulant alors qu’elle ne marchait plus et elle a hurlé « Mon dieu, mon dieu, ça y est, il est ressuscité, ça fait 50 ans que j’attends ça. Où est-il ? » L’auxiliaire nous a raconté ça, ça a fait rire toute l’assemblée, c’est un souvenir qui m’a marqué. Croire grâce à la démence que ce que l’on a attendu toute sa vie, c’est vrai, j’ai trouvé ça super.

 

Et le moins bon souvenir ?

 

C’est récemment, il y a quelques mois. Une personne en cancer généralisé, Bergonié [Centre d’Oncologie] nous a complètement lâché, et ne voulait pas la garder. On l’a eu chez elle avec cabinet médecin traitant au doliprane. Ça a duré dix jours, avec escarres sur tout le corps, gémissements et on ne lui a même pas donné de morphiniques. J’ai dit que je ne ferais plus jamais ça. Affreux. Affreux pour les salariés, moi j’y allée tous les jours parce qu’elle était proche et voir un corps comme ça dans un lit en 2018 je trouve ça inadmissible.

 

Que peuvent les professionnels dans ce genre de situation ?

 

Le professionnel s’est compliqué parce que, si on a le HAD, c’est très bien le HAD, mais il ne faut pas être sur liste d’attente. Il n’y en a pas assez. Le HAD il va vous amener au moins les pompes à morphine, qui ne peuvent pas être mises en place par les infirmiers libéraux. Là aussi il y a une réglementation. Beaucoup de soignants estiment que la morphine tue la personne. Dans la pyramide moi je n’ai aucun pouvoir pour obliger un médecin traitant à mettre de la morphine. Je peux demander, mais il va me répondre que je ne fais pas de soin. Dans le cas de figure précédent, le médecin que je connaissais, qui est un bon médecin et l’infirmière qui est une très bonne infirmière, étaient tous les deux dans cette sphère là. La morphine tue la personne. Le doliprane non. La personne était en train d’agonir.

Ce genre, à mon avis de cas de figure, va augmenter. C’était une personne sans enfant, sans famille, malheureuse, quand il n’y a pas d’argent, qu’il n’y a pas d’aide autour, ça risque d’arriver souvent. Alors qu’elle était suivie par Bergonié, qui a presque fait de l’acharnement sur elle, sur les traitements. L'hôpital non plus ne l’a pas pris.

 

Que pensez-vous des conditions de vie des personnes âgées ?

 

80% des personnes âgées vivent à domicile, il ne faut pas l’oublier, on parle toujours du monde des EHPAD. Un PA peut se retrouver extrêmement isolée à domicile. (22’) En France, le social aide beaucoup donc quelqu’un qui n’a pas de revenu, peut quand même avoir une belle fin de vie. S’il y a du monde autour de lui. C’est-à-dire une assistance sociale, on peut faire même un placement en EHPAD en habilitation sociale. On peut bien mourir en France.

Il y a un autre problème de la PA à domicile isolée, c’est que souvent c’est elle qui a créé son isolement. Quand elle a fait fuir tout le monde, la loi française dit que tant que l’on n’est pas sous tutelle, on est libre, même à 95 ans. Donc une PA qui ne veut pas de votre aide et qui vous met dehors, vous n’avez pas le droit de forcer son domicile. Même un tuteur doit demander sa volonté. C’est là ou c’est compliqué, parce qu’une PA démente ne peut pas dire ce qui est bien pour elle. Pareil pour la liberté d’aller et venir, c’est grand débat des EHPAD, une personne démente qui est en UP [unité protégée], on la prive de sa liberté. Une PA en France, même pauvre peut avoir une belle fin de vie, une PA en France même très riche peut mourir comme une miséreuse. C’est le cadre familial, c’est le cadre social, c’est le cadre médical. Une PA a le droit de refuser d’être suivi médicalement et ne pas avoir de médecin traitant.

J’ai eu des cas, où des gens que je suis allée voir, je n’ai rien pu mettre en place, parce que je savais que ça ne marcherait pas. La personne ne nous voulait pas. Un membre de la famille avait demandé, la personne nous met dehors. Souvent quelques mois après l’ambiance change. On ne peut pas aller contre la volonté des gens. Nous on sait ce qui est bien, on essaie de faire quelque chose de bien, mais on sait que la personne en face va être en souffrance. On doit respecter sa volonté.

Il y a sept ans et demi, c’est quelque chose que je comprenais mal. Envie de déplacer des montagnes. Aujourd’hui c’est quelque chose que je prends en compte en premier. Surtout avoir du temps pour les écouter. Ils ont beaucoup de choses à dire, des fois trop, mais dans ce qu’ils disent, il y a beaucoup de ce qu’ils sont et de ce qu’ils ressentent.

Autrefois, quand j’allais dans les premiers rendez-vous, je vendais ce que j’avais appris, en étant dans un réseau de franchise, on vendait l’aspect commercial, et rapidement je me suis rendue compte que cela ne servait à rien quand on est sur un canapé avec une personne âgée. C’est d’abord écouter ce qu’elle va vous dire, comment elle va vous le dire. Généralement elle est très malheureuse, elle pleure, elle dit qu’elle veut mourir. C’est la majorité des personnes, dès qu’il y a une incontinence assez forte. Il y a beaucoup de dépression due à ça.

 

Que pensez-vous des wc japonais pour les PA ?

 

Il y aura des passerelles entre le domicile et les EHPAD. Les professionnels viendront à domicile, on évitera les hospitalisations, tout ça, ça va se mettre en place. Quand à la domotique, je pense ça va marcher pour nos générations. Les générations actuelles à domicile peut-être encore les 10,15 ou 20 ans de gens qui sont actuellement à domicile vont avoir du mal à concevoir avec les NTIC, parce que ce n’est pas ce qu’ils ont vécu, des wc ça ne se passe pas comme ça. Je pense que nous on pourra le vivre. Notre cerveau sera acclimaté à la technologie. Eux je ne crois pas encore. Je pense que la téléassistance, les détecteurs anti-chute, tout ce qui a été fait, c’est vraiment énorme. Ils acceptent, ils comprennent. Je pense que le grand débat sur les appartements équipés de caméras pour les personnes atteintes de démences de type Alzheimer, légalement ce n’est pas encore facile parce que c’est aussi les filmer, donc les priver de leur vie privée. Le cadre légal doit s’affirmer. La domotique sera une aide, mais elle va couter cher. Est-ce que l’état va pouvoir aider ? Déjà qu’on ne donne pas trop d’aide pour l’aide humaine. La résidence service aussi va être appelée à de belles heures, ça peut être un intermédiaire de l’EHPAD. Aujourd’hui les plus anciennes résidences services sont devenues des EHPAD déguisés. On fait appel à du libéral, mais on a une surveillance et on peut équiper ; une douche dans un logement de plain pied, une barre d’appui, mais quel bonheur!

 

Différent des logements que vous voyez ?

 

C’est dramatique. Pourquoi voulez-vous qu’une PA qui a toujours eu sa baignoire sabot la casse à 90 ans ? Ça coûte cher, pourquoi voulez-vous que les enfants et les petits-enfants aient envie de mettre 5000€ dans une douche de plain-pied alors qu’ils n’attendent qu’une chose c’est de récupérer le logement. À part quelques familles intelligentes, ou des familles aisées, clairement j’ai toujours une opposition. Je dis ce qui existe. Quand je vais voir quelqu’un, je fais le tour de l’appartement et je donne un avis. Systématiquement, la salle de bain est le problème.

 

Au sujet des NTIC ?

 

J’en ai très peu qui ont été intéressés par les tablettes ou les ordinateurs. Ce sont les petits-enfants qui les ont mis à faire ça, mais ça ne dure pas longtemps. Les NTIC pas du tout, déjà les télévisions ou il fallait mettre le décodeur c’était un enfer, donc c’est très compliqué. A la limite ce qui est souvent demandé, ce sont des téléphones à grosses touches.

 

Et au niveau de l’équipement spécialisé ?

 

Ça dépend de la famille. Tout ce qui est en location, la famille est d’accord. Tout ce qui pourrait être loué par une ordonnance du médecin traitant, il n’y a aucun problème, là j’ai toujours “oui”. Le budget c’est le nerf de la guerre ; sur le nombre d’heures d’aide humaine, sur les abus de faiblesse, la nourriture. J’ai beaucoup de personnes dont les enfants font les courses, bien souvent, elles sont très très légères. On relance les familles pour avoir des frigos remplis.

Une personne âgée peut refuser d’avoir un médecin. Il n’y a pas d’obligation, après c’est non assistance à une personne en danger. Vous êtes voisin, vous voyez quelque chose qui ne va pas, rien ne vous empêche d’appeler la plateforme d’autonomie des seniors ou une assistante sociale. Dès qu’il y a un signalement, généralement il y a une enquête, la personne est fichée.

On voit toujours dans le Sud Ouest, une ou deux fois dans l’année, une personne a été retrouvée en décomposition dans le fond de son lit.

Je pense qu’on a eu beaucoup de choses mises en place par les pouvoirs publics, à ce niveau là on a des outils qu’on n’avait pas il y a quelques années. Mais les gens ne connaissent pas ces outils là, c’est dommage, à part nous professionnels, les familles ne savent pas que ça existe. Il pourrait y avoir des émissions là-dessus, il pourrait  avoir des choses organisées par la mairie.

La personne âgée en France fait peur. On parle de plus en plus d’âgisme, c’est exactement ça. La population vieillit, ça fait peur.

Le “bien vieillir” c’est bien, les pouvoirs publics en parlent parce qu’ils se disent en vieillissant bien ça coûtera moins cher à la sécurité sociale. Peut-être que la question fondamentale c’était “est-ce qu’il fallait vieillir autant? »

Aujourd’hui on est à peu près à 25 000/30 000 centenaires, en 2040 on va être 250 000 centenaires. Quand on est centenaire, on peut se dire qu’on est au moins arrivé à 100 ans, mais comment ? Si on a que des centenaires en pleine forme c’est super, mais le problème c’est qu’on va vieillir de plus en plus, mais de plus en plus mal, pas en bonne santé. Les maladies cognitives sont un fléau. Les maladies comme Parkinson sont un fléau. Les parkinsoniens que j’ai à domicile, c’est terrible. Les métiers d’aide à domicile sont des métiers qui deviennent compliqués parce que les personnes qui se dirigent dans ces métiers là, à part ceux qui viennent vers 45/50 ans, qui sont en reconversion, les plus jeunes se sont des gens qui n’ont pas fait d’études supérieures et qui sont dans la précarité. Avec des histoires de vie très compliquée. Je pense qu’il faudrait qu’il y ait des rémunérations supérieures et qu’il y est automatiquement une formation de base pour pouvoir le commencer. Ce sont des métiers où les plannings sont compliqués, on travaille beaucoup, on travaille par heure, on se déplace énormément donc ce sont des métiers épuisants. Quand on va chez quelqu’un qui ne va pas bien, que pendant une heure, deux heures, on a entendu la complainte de la fin de vie, la déchéance physique, le logement à nettoyer, les poubelles à vider, la personne à laver et qu’on enchaîne ça pendant des heures et tous les jours de la semaine. C’est sûr que l’usure n’est pas comme dans les autres métiers. Quand les filles sont fatiguées dans l’équipe, je ne peux pas leur en vouloir, elles me disent “Là c’est dur. »

 

Une problématique récurrente ?

 

L’aidant familial. C’est mon fléau. Que ce soit un conjoint, un enfant ou un membre de la famille, il est toujours épuisé, en détresse. Il faut toujours se poser la question de savoir pourquoi, dans une fratrie par exemple, c’est tel enfant et pas un autre. Quel est le passé qui fait que cet aidant là, va se poser en aidant familial ? L’aidant familial il est compliqué. Comme il souffre lui-même, il est en culpabilité. Donc tout ce qu’une auxiliaire va faire, ce sera mal fait. Parce que lui, il sait comment il faut que ce soit fait. Il faut qu’il soit au bord du gouffre et souvent qu’il ait eu son premier problème de santé avant de commencer à lâcher prise. Il va vous écouter, il va même vous appeler pour vous dire “Venez m’expliquer ce que vous faites. » Quand vous aurez tout dit, il va vous dire “Je n’en suis pas là, on a du temps.”. Déjà quand il vous dit ça, vous savez que c‘est faux.

La convention européenne des droits de l’aidant qui a écrit une charte sur les droits de l’aidant, avait mis dans son article 8 le droit au répit. La loi ASV a intégré la place de l’aidant familial et reconnaît à l’aidant la possibilité financière de pouvoir placer son parent ou la personne aidée, quelques jours, voire une ou deux semaines en EHPAD. Financé par l’état, mais les financements sont ridicules, je crois que c’est 500€/mois, ce n’est rien du tout.

 

Pour moi la personne âgée, c’est première question quand je vais voir quelqu’un “Qui fait quoi ? Qui est autour ? » On ne peut pas aider une PA sans prendre en compte l’aidant familial. Il y a quelques groupes qui sont faits. Bagatelle a un groupe d’aide aux aidants, il y a ces choses-là, mais ce n’est pas assez. Je pense même que l’aidant familial devrait être pris en charge par le médecin traitant. Il faut les former, il faut qu’ils comprennent aussi. Quand on ne sait pas ce qu’est la maladie d’Alzheimer et qu’on a un parent qui en souffre… c’est mieux d’aider l’aidant à comprendre ce qu’est la maladie d’Alzheimer. Il devient violent l’aidant, il est épuisé, c’est de la garde 24/24. Quant aux couples, c’est encore plus compliqué. Ils ont leur passé ensemble, quand ils ont vécu 40 ans ensemble et qu’il y en a un des deux qui commence à aller moins bien, l’autre ne comprend pas et ça peut être très conflictuel. J’ai eu de la violence dans des couples. L’usure d’une auxiliaire sur une ou deux heures de garde ce n’est rien. L’usure d’un aidant sur une journée entière et les nuits.

Et la culpabilité, ça peut être religieux aussi. Une personne qui s’est mariée, qui est très croyante ne peut pas remettre en question son rôle d’aidant. Il faut aller jusqu’au bout, parce que c’est un devoir.

 

Concernant l'écosystème des PA :

 

Je pense que les aidants professionnels doivent être là pour maintenir à domicile. Le terme maintien à domicile c’est un terme que j’aime beaucoup parce que personne ne l’explique. Maintenir à domicile, ce n’est pas rendre à la PA ses 20 ans. C’est lui permettre de rester chez elle en étant sécurisée pour éviter l’hôpital, si elle a un problème de santé aigu, ou lui éviter d’aller en EHPAD. Donc c’est le travail des médecins, des infirmiers, des kinés, des aides à domicile et de l’aidant.

 

Le problème de fond de ce sujet, pour moi, c’est la coordination. Il y a-t-il ou non, en 2018, coordination à domicile ? C’est en coordonnant qu’on maintiendra. C’est en faisant un plan d’aide. Quand on se parle bien souvent, on déplace des montagnes, quand chacun fait son petit truc dans son coin, ça ne marche pas. Les meilleurs maintiens à domicile que j’ai pu faire ça été quand toute l’équipe se parlait tout le temps. Au travers des cahiers de liaison,des mails, des SMS, quitte à s’ennuyer, à être pas d’accord, quitte à s'accrocher, au moins on dit, on pose une réflexion. Les intervenants ne se croisent pas forcément c’est pour ça que le cahier de liaison reste très important. Un cahier bien rempli, c’est une aide.

Des fois il n’y en a pas.

 

Qui peut le mettre en place ?

 

Moi je mets le mien. C’est une obligation pour les infirmiers, ils doivent avoir un cahier de transmissions. Nous on a un cahier de liaison. J’ai eu le cas ou des personnes démentes le déchiraient, parce qu’elles ne comprenaient pas, ça les agaçait, donc on essayait de le cacher. Le problème c’est qu’il faut aussi apprendre aux auxiliaires comment remplir le cahier de liaison. La PA va le lire, tout le temps, donc il ne faut pas aller raconter n’importe quoi. Il ne faut pas parler de problèmes médicaux. Aujourd’hui les auxiliaires communiquent avec les portables. Les grosses associations à Bordeaux ont mis en place des portables connectés au logiciel de l’agence. Les communications sont externalisées. Attention aux échanges d’informations, il ne faut pas violer la vie privée de la personne. C’est à mon avis le prochain risque.

 

Concernant les politiques mises en place ?

 

Ce n’est jamais assez. On tricote, on détricote. Paerpa c’est un énorme progrès. Il faut s’appuyer sur le Paerpa, pour le futur et vraiment le mettre en place. Des organismes comme la Maya, c’est essentiel, la plateforme d’autonomie c’est fondamental. Je pense que les lois progressent dans le bon sens, mais qu’il y a un travail gigantesque à faire. Et que comme il va y avoir de plus en plus de PA, et pas dans 100 ans, pas dans 10/20 ans, personne n’a idée de ce qui va se passer. On verra de plus en plus de PA qui revivront avec leurs enfants. Parce qu’il n’y aura pas les moyens de les placer.

 

Cela fait un peu peur à tout le monde cette évolution démographique parce qu’on ne sait pas trop.

 

Des améliorations suite à la loi ASV ?

 

Oui, bon le but actuellement de Mme Buzyn c’est d’éviter qu’il est plus de journées à l’hôpital pour les PA, mais il y a encore beaucoup de boulot à faire. On a des contrôles déjà d’aide à domicile, c’est bien, mais j’aimerais qu’il y ait plus de contrôle des kinés, des infirmiers et des médecins. On a l’impression que les soignants ne sont pas souvent embêtés. Et quand on voit ce que certains soignants gagnent, parce qu’ils sont payés par la sécurité sociale, ce serait bien de voir si le travail est effectif. Si une famille voit qu’on ne travaille pas, immédiatement on est au courant. La famille a un reste à charge ou paie en entier donc doit avoir, mais quand c’est remboursé par la sécurité sociale, dans l’esprit des gens c’est “On ne paye pas donc on ne va pas dire grand chose.”. Il y a les bons et les mauvais professionnels, et les mauvais profitent du système. Quand vous avez quelqu’un de grabataire ou très âgé, ce n’est pas dur de profiter du système. Exemple type, un kiné à domicile pour une PA, moi j’y vais je le vois prendre le café et après carte vitale, alors que c’est fondamental de faire marcher une PA, même 10 minutes.

 

Des pistes de solutions pour améliorer les conditions des PA ?

 

En temps que prestataire, à chaque nouveau contrat, nouvelle prise en charge d’un bénéficiaire c’est : passer du temps à voir ce qu’il y a autour, famille et médecin. S’il n’y a pas d’infirmier en mettre, c’est créer une structure autour de la PA. Après si les gens sont concernés, elle s’entretient cette structure, mais c’est du temps, c’est de l’argent, souvent faire tout ça ce n’est pas rémunéré. Donc qui a envie d’y passer son temps, sans être payé ? C’est ça que je demanderais aux pouvoirs politiques. Est-ce que le médecin traitant a envie de passer une demi-heure à parler de Mme Machin au téléphone à Mme Amigues ? Je ne pense pas. Est-ce qu’un cabinet infirmier qui à une tournée avec trente personnes le matin a du temps de rester une demi-heure de plus à écouter Mme Intel qui délire dans son canapé. Je ne crois pas non plus.

 

Alors la télémédecine je trouve que c’est vraiment très bien pour les EHPAD, mais surement pas au domicile. Aujourd’hui, c’est impensable de mettre la télémédecine au domicile. C’est très technique, il faut une coordination avec des infirmières formées pour la télémédecine et déjà en EHPAD ils n’arrivent pas vraiment à le mettre en place. Et la télémédecine a ses limites, c’est l’examen clinique. Dans un EHPAD, il y a quand même un médecin coordonnateur qui s’occupe de la télémédecine généralement, apparemment on va lui étendre ses pouvoirs dans les années à venir et il pourra faire l’examen en étant guidé par son collègue ou son ami gériatre. Je ne vois pas comment à domicile… d’autres idées ont été lancées, créer un genre de petit camion, dedans il y aurait tout, des radios, des scanners et qu’on vienne à domicile, chez la PA pour éviter qu’elle se déplace. C’est très bien, mais ce sera du mobile. Je n’imagine la télémédecine à terme que comme ça. Mais ça va être un problème financier énorme. Comment ça va être payé ? Est-ce que la PA acceptera ? Pour moi c’est une non-existence à domicile… dans 50 ans et encore.

 

Que pensez-vous des EHPAD ?

 

Les EHPAD sont devenues des lieux de soin pas des lieux de vie. Ils sont confrontaient au fait qu’on y entre de plus en plus dégradé, en étant de plus en plus âgé. Le personnel n’a pas été préparé à ce phénomène sociétal et est en souffrance parce que pas assez formé à des prises en charge trop lourdes. D’abord il faut renforcer le personnel en EHPAD, il faut le manager différemment. Il faut qu’il y est une équipe, cette notion d’équipe, elle n’existe pas ou peu. On voit les grèves qui se succèdent, on nous dit que les personnes elles sont usées, c’est quand même le secteur ou les accidents du travail sont les plus nombreux, ça montre qu’on ne sait pas utiliser le matériel , qu’on se blesse énormément. À côté de ça, j’ai quelques EHPAD ou tout roule très bien donc il faut se poser les bonnes questions. Pourquoi ça roule très bien ? Est-ce qu’ils ont plus d’argent ? Non. Comment ils font alors ? Il y a un vrai directeur, il y a une vraie équipe. C’est d’abord un problème humain. Et il faut alterner les tâches. C’est comme à domicile, si vous mettez quelqu’un toute la journée pour faire que de la grande démence, la personne elle est usée. Quand vous mettez un personnel en EHPAD, en UP, avec que des gens déments qui déambulent, qui arrachent les prises, qui font n’importe quoi, je pense que le soir quand vous rentrez chez vous, vous n’êtes pas en forme. Moi j'alternerais les tâches, je ferais des temps de pause, je ferais plein de choses différentes. L’aidant dans l’EHPAD c’est affreux, il vient voir la personne ça va pas, le personnel ce n’est pas comme il voudrait, il comprend pas qu’il n’y est pas un soignant par personne donc quand on appuie sur la sonnette c’est bizarre le soignant ne vient pas avant trente minutes. Vous imaginez ce qui se passe, la violence verbale. L’aidant en EHPAD c’est presque pire qu’au domicile. Vous demandez aux directeurs d’EHPAD ils vont vous dire qu’ils n’aiment pas les aidants. On parle de bénévolat, on veut développer le bénévolat en EHPAD, c’est une piste, pourquoi pas ? Au moins les après-midis il y aurait plus d’activités. Les gens qui feraient ça auraient vraiment envie de le faire. Je pense qu’on va aller vers ça. On a beaucoup d’époux et d’épouse qui ont accompagné leur conjoint qui est décédé et ils se sentent investis d’une mission. Et comme ils l’ont vécu, ils le redonnent très bien. Je suis pour le bénévolat en EHPAD, c’est la solution et c’est la seule que je vois.

 

Priorités dans les conditions de vie des PA :

 

Je vais vous dire classer comme je vous ai dit tout à l’heure ; classez-les par activités de la vie quotidienne et actes essentiels de la vie. L’alimentation, si on ne mange pas, on meurt de faim donc en premier. Il faut se dire ce qui est vital et après ce qui va aller de plus en plus vers du confort. Le lien social c’est très important, mais ce n’est pas vital. Tout est dans tout, les Grecs anciens appelaient ça l’âme et le corps, c’est exactement ça. Mais le corps est fondamental, parce que si vous ne mangez pas vous mourrez, bien avant que la dépression ne vous ait mis par terre. J’ai beaucoup de PA de 90/95 ans qui connaissent le décès de leurs enfants. Qu’est-ce que vous voulez leur dire ? Quel est le réconfort qu’on va leur apporter ? L'accès aux soins est aussi très important. Dans toutes études on va vous dire que par exemple si vous venez d’un milieu ouvrier, ou métier manuel, ou il y a souvent une précarité des prises en charge sociale, les personnes vont vivre beaucoup moins longtemps, tout simplement parce qu’elles n’ont pas un accès aux soins. À 50,60 ou 70 ans, vous êtes mort. Alors que quelqu’un qui est d’un milieu plus bourgeois, qui a une mutuelle et autre va être mieux soigné et vivra plus longtemps. Une PA si elle arrive déjà très âgée généralement c’est parce qu’elle a été soignée. Ensuite, je dirais que l’activité physique et la rééducation c’est important, ça fait partie de l’accès aux soins.Ensuite, je mettrais l’aide humaine, si on est très âgé, si on a pas d’aide humain, on ne peut pas se faire soigner. Si vous avez le portage de repas et que vous êtes au fond d’un fauteuil et que vous ne pouvez pas mettre votre plat dans le micro-ondes ? Après l'aménagement du logement, l’aide technologique pour moi c’est bien après, le matériel médical c’est uniquement quand on a eu la chance d’avoir de l’aide humaine. Parce que c’est l’aide humaine qui va mettre l’aide technologique et médicale. Donc l’aide humaine je la mettrais en 3. ou en 3 l’activité physique et en 4 l’aide humaine. Et tout le reste découle de ça. Et je mettrais le lien social peut-être en 5. Le lien social c’est un terme particulier, je ne sais pas trop ce qu’il englobe. Je ne connais pas les chiffres, mais je crois qu’on avait atteint l’année dernière, plus de 70% de gens sous anxiolytiques passés 75/80 ans, ça fait peur. A part ceux qui passent à l’acte, personne n’a envie de mourir. Une PA qui va vous dire “je veux mourir, je veux mourir.” C’est justement parce qu’elle ne veut pas mourir. Mais elle le dit parce qu’elle a peur. Les PA, quand l’hiver est là et qu’il fait nuit vers 16h, c’est la panique à domicile. Quand les enfants partent en voyage et que la PA le sait, ce qu’on entend toujours c’est “Maman sait que je vais partir, elle va être folle, elle sera furieuse.” C’est récurrent, donc souvent on me dit “Mme Amigues, surtout ne dites pas à maman qu’on est absent. » Mais j’ai juste envie de leur dire “Mais pourquoi elle va vous faire la vie ? Parce qu’elle va se dire que si elle a un problème de santé ou qu’elle va mourir, vous ne serez pas là. » Ils ont une anxiété, ils ont peur de la mort.

Peut-être qu’on devrait avoir ça aussi comme débat : la mort. Que les pouvoirs publics devraient parler différemment de la mort. On a peur en France de la mort. Quand on va en Inde, tout le monde est content de mourir, parce que c’est mieux après. En France, mourir, d’abord on a pas trop le droit. Vous savez quand on a commencé ce métier, il y a des gens qui nous disaient, mais comment vous faites ça ? Vous allez torcher les vieux ! Je crois que quand on a dit ça, on a tout dit. Oui, en partie on torche les vieux, mais on ne fait pas que ça. On est vieux comme on a été jeune. J’ai des PA, ce sont des gens d’une gentillesse, les filles se battraient pour aller passer une heure avec un ou deux qu’on a et à côté de ça on a eu des personnes affreuses, mais à 20 ans elles étaient affreuses. La perversité elle existe à 20 ans pourquoi elle n’existerait pas à 90 ans ? Le travail sur la PA en France est colossale et que les années à venir vont être compliquées. Il y aura beaucoup de choses dans les journaux, ou dans les médias qui seront tristes à entendre.

 

Si il y a un mot à retenir de tout ce qu’on s’est dit ce matin, c’est : coordination. Si un jour on arrive vraiment à la mettre en place et que tout le monde est volontaire ce sera, à mon avis, la solution. En temps que professionnel, tous se tenir la main pour créer quelque chose d’intelligent autour pour que le quotidien après soit facile. Mais ça, ça manque beaucoup. Et un médecin traitant qui va enchainer 10 personnes dans son heure de travail, il n’a pas le temps de s’occuper de Mme Machin qui est chez elle et qui a besoin d’un déambulateur. Mais qui paiera ces groupes de coordination ? Moi j’en fais à ma petite échelle, dès que j’ai quelqu’un de nouveau, j’appelle. Je pense que c’est la première chose à faire. Par exemple la Maya, c’est très bien, elle vient avec des gestionnaires de cas aidés pour des prises en charge abracadabrantes, ou c’est très compliqué à mettre en place. J’ai eu des médecins traitants quand j’ai eu des cas comme ça ou j’ai dit “Ecoutez, on alerte la Maya et on va prendre un tiers pour nous aider parce que sinon on n’y arrivera pas.” Il me dit “C’est quoi la Maya ?” ou quand il connaît il me dit “Mais comment on fait?”. Formons les médecins traitants. Le jeune médecin traitant il peut être formé, le vieux médecin traitant, même pas le vieux d’ailleurs, celui qui a 60 ans et qui va encore vouloir travailler une quinzaine d’années, moins il en fait au niveau technologique, mieux il se porte. C’est rare d’aller chez un médecin traitant qui ait même un ordinateur, donc le suivi…

On sera obligé d’aller de plus en plus vers la formation puisque les aidants vont devenir … il doit savoir transférer pour ne pas se blesser, il doit savoir alimenter pour ne pas faire de bêtises, il doit savoir ce qu’est un pilulier, il doit savoir lire une ordonnance. L’aidant devrait avoir une formation totale.

 

L’autre gros fléau à domicile va devenir la démence, c’est déjà le cas.

 

L’exemple des villages Alzheimer ?

 

Je dis pourquoi pas. Il faut d’abord voir. C’était la vision canadienne, mais quand quelqu’un fugue, quelqu’un fugue. Dans ces villages là, si on y met du personnel très formé, ça va être bien pour les familles et ça va être très bien pour les personnes prises en charge. Parce qu’elles vont être au maximum portées dans leur maladie en leur laissant le maximum de liberté. Mais il falloir l’encadrer. L’idée est intéressante. Niveau éthique on peut se dire” T’es Alzheimer, tu vas dans un village Alzheimer.” C’est à étudier, il faut voir les âges aussi, parce qu’il y aura des jeunes Alzheimer. Les familles ont voulu ces villages-là parce qu’elles disent “Quand on n’est pas confronté à cette maladie, on ne sait pas ce que c’est.”. La maladie Alzheimer, la vraie c’est terrible. Peut-être que c’est une solution et si ça marche il y en aura d’autres et il va y avoir tellement de malades Alzheimer… je me dis que si on ouvre cela c’est qu’il y aura du personnel extrêmement formé. Il faudra le tenir le personnel, et ne pas le remplacer au fur et à mesure avec des gens non formés. Il faut développer les formations en EHPAD et dans ce genre de structures, c’est avec le management. Professionnalisation et management de proximité. Une ASH qui est dans un EHPAD, qui est intelligente, qui peut progresser, mais qui ne repassera pas de diplôme, mais qui est formée, qui reçoit des périodes de professionnalisation là-dessus, est un élément très important à prendre en compte. L’ASH c’est un peu leur auxiliaire de vie, c’est-à-dire qu’elle ne va pas avoir eu la formation du soin, mais elle, elle va voir Madame X, ça fait deux qu’elle n’est pas bien. Si elle alerte l’infirmière au-dessus d’elle ; là, c’est gagnant. Le problème de l’EHPAD c’est que c’est un milieu fermé, le problème du domicile c’est que c’est un milieu ouvert, donc ce n’est pas simple, ni dans l’un, ni dans l’autre. L’avantage puisqu’on va le créer cet EHPAD de demain, ça va être de faire venir un peu chacun dans l’univers de l’autre, ça, c’est dans les écrits.

 

Il va falloir de l’argent, des moyens humains, professionnaliser les gens et en urgence et il va falloir les manager très différemment.

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